PIANO RUBATO # PIÈCE AÉRIENNE ET MUSICALE

Ce navire flotte sur la terre ferme, c’est un vaisseau sonore.
Il tangue en un voyage sans fin, jusqu’à l’autre monde.
Tentative de rapprochement avec l’invisible,
avec les âmes de ceux qui, avant nous, s’en allèrent.
Le capitaine est musique, la femme est vent,
son souffle anime cet étrange piano-bateau ;
Tous trois, instruments de passage,
émetteurs-transmetteurs inextricables.

RUBATO [ terme musical italien, littéralement : « voler ou
subtiliser » mais en musique : à jouer rythmiquement avec
toute la liberté dont dispose un interprète : sa part de libre
arbitre. ]

Le piano pour point de départ
Un piano – bateau mouvant, objet scénique et musical. C’est l’instrument de Stéphan autant que le mien. Nous le voulions également existant à part entière, comme une sculpture. Le couvercle du piano, démesurément allongé, est tel une voile de navire de 5 mètres de haut. C’est mon souffle, lié à un contrepoids oscillant dans la coque, qui active le mouvement ; sorte de lent battement d’aile qui me permet d’évoluer sur/sous celle-ci, en condition de plongeuse sous-marine : mon expiration couche le navire, me permettant de frôler le sol, tandis que l’inspiration me soulève dans les airs. La conception de structures scénographiques étroitements imbriquées à la dramaturgie fait l’une des spécificités marquantes de la Cie Happés. Pour la réalisation de ce « piano-bateau », j’ai poursuivi ma collaboration (depuis 2011) avec le scénographe et constructeur Neil Price. Cet objet scénique a induit de nombreux challenges techniques ; S’il doit d’emblée interpeller fortement l’imaginaire des spectateurs par sa puissance d’évocation, cet objet scénique est pensé à la fois comme un instrument de musique de grande qualité – sonorisation conçue par Jean-Damien Ratel avec le soutien exceptionnel de « Amadeus sonorisation » -, et bien sûr, il doit remplir la fonction « d’agrès », de support à mes évolutions aériennes. S’ajoute à cette conception hors norme, le mouvement de la structure : pivotant sur elle-même à 360°, elle oscille à 180 ° ; la conception électronique d’un dispositif de contrepoids lié à ma respiration a été réalisée par Cédric Cambon.

Une plongée musicale et visuelle
Je voulais, pour cette pièce, creuser l’essence de ma pratique de l’aérien comme celles du Butô et du Qi gong, pour composer, avec Stéphan Oliva, une partition à la fois sonore et visuelle. Par résonnances ou en contre-point des notes de Stéphan, faire danser ce piano-bateau, me fondre dans l’air, incarnant physiquement et sans affect, par mon souffle et mes muscles, une femme-vent. Le piano est ici devenu embarcation, vaisseau, navire. Extrapolation de son potentiel intrinsèque, la musique nous déplace, endedans. C’est pourquoi nous avons conçu l’écriture de cette performance comme un voyage en pleine mer, tantôt calme, tantôt houleuse, en surface ou dans les profondeurs, abordant des îlots aux teintes singulières. Mélissa Von Vépy